La quête d'un compromis - suite

Publié le par Yigal Bin-Nun





L'entretien avec le Prince Moulay Hassan
Easterman s'entretint avec le Prince héritier le 1er août 1960 et en fit un rapport au ministre des Affaires Étrangères Golda Meir, le 6 septembre 1960. Le Prince consenti à effectuer l'entretien, dont il connaissait d'avance le sujet, mais exigea la discrétion totale comme condition préalable à la poursuite de ces contacts. De ce fait, le Prince fit allusion au fait qu'il envisageait une série de rencontres avec les représentants d'Israël. L‘entretien s'effectua tard dans la nuit, non pas dans son palais, mais en dehors de Rabat, dans le domicile personnel d'un de ses proches. Ce long entretien traita de divers sujets dans une atmosphère conviviale qui incita Easterman à s'exprimer avec aisance. 
Le Prince souligna son espoir de voir les Juifs rester fidèles au Maroc et déclara sa satisfaction « du renouveau religieux chez les Juifs du Maroc ». Les Musulmans marocains, selon lui, honorent tous les croyants et un homme religieux éprouve du respect pour toute religion. C'est pour cela que Allal Alfassi, comme sommité religieuse, éprouvait de la considération pour les Juifs, contrairement aux partisans de la gauche. En réalité, cette manière de représenter la communauté était contraire aux courants idéologiques et sociaux de l'époque, car précisément, cette judéité traversait une étape enthousiaste vers une sécularisation. Les propos du Prince témoignent plutôt des inquiétudes du Palais envers l'adhésion de jeunes Juifs aux courants gauchistes et communistes de l'opposition. Les jeunes de l'aile gauche de l'Istiqlal voyaient la Couronne et le Palais comme des éléments conservateurs soutenus par les cléricaux et la classe féodale rurale. Le Prince craignait que ce courant gauchiste n'entraîne avec lui les jeunes Juifs laïques, ce qui augmenterait la menace contre le pouvoir de la dynastie alaouite : « Nous n'acceptons pas que des jeunes Juifs soient impliqués dans une action communiste. Le communisme est le plus grand péril contre nous. Comment un Juif peut-il être communiste ou avoir des affinités avec le communisme ? ». Le Prince exprima sa désapprobation envers les sympathies de l'élite intellectuelle juive envers le communisme et le socialisme radical. Toutefois, l'inquiétude du Prince héritier concernant l'attitude des Juifs envers la monarchie était une fausse alarme. Le nombre considérable de Juifs n'ayant pas encore privilégié l'émigration en dehors du Maroc, soutenaient incontestablement les positions du Palais, hormis un groupe d'intellectuels, dont le poids n'était pas considérable. 
Les réserves envers Meyer Toledano, l'homme de confiance de Ben Barka, n'étaient pas uniquement l'embarras des Israéliens. Easterman cite des propos venimeux, proférés devant lui par le Prince héritier, contre Toledano. Il mentionna explicitement l'homme politique juif de gauche et le traita « d'opportuniste, c'est un homme sans Dieu, un homme dépourvu de religion, dépourvu de croyance et dépourvu d'honneur, je le répugne et le dédaigne ». À cette occasion, le Prince avoua que des dirigeants juifs membres de Comités de Communauté avaient été déchus de leurs fonctions à cause de leur sympathie pour la gauche. Ceci a pu s'accomplir grâce au procédé permettant aux gouverneurs de provinces de nommer les membres des Comités à partir de listes de candidats, qui leur étaient présentées avant chaque élection. Le Prince n'hésita pas à critiquer ardemment l'ancien ministre Léon Benzaqen, soutenu à l'époque par Easterman, et le décrivit comme un individu dépourvu d'initiative et de force morale. 
Grâce aux propos du Prince héritier, nous pouvons comprendre qu'elle était sa conception du problème juif et de leur avenir dans son pays. D'un côté il craignait que si les portes de l'émigration s'ouvraient, les Juifs quitteraient en masse, et par conséquent, un grave problème économique se déclencherait. Toutefois, même si un petit nombre seulement quittait le pays, en raison du désir des Juifs de vivre ensemble, ils seront rapidement imités par d'autres, ce qui risquait de provoquer une « force grégaire ». En outre, tant que les Juifs étaient plus productifs que les musulmans et leur niveau de vie était plus élevé, ils devenaient un exemple à imiter. À cette étape des analyses de la question judéo-marocaine, le Prince formula un argument surprenant, jamais émis précédemment par un dirigeant marocain de droite ou de gauche : « Soyons réalistes, l'expérience nous a appris que dans le processus de développement de pays venant d'accéder à leur indépendance, la classe défavorisée de la population, désenchantée par les difficultés, s'attaque d'abord aux étrangers, ensuite elle s'en prend aux minorités religieuses ». Les propos du Prince héritier étaient certes surprenants, non seulement par leur perspicacité, mais aussi par leur troublante sincérité. Malgré la masse de déclarations appelant à l'intégration juive dans la société marocaine, quatre années après l'indépendance, alors que de fervents militants juifs embrassaient ardemment cette voie, le Prince Moulay Hassan confessa qu'il n'y croyait guère. Les Juifs de son pays étaient inévitablement des candidats potentiels à quitter le Maroc et n'avaient pas, en tant que minorité religieuse, d'avenir dans la société marocaine après l'indépendance. Cette attitude mettait en dérision les nombreux propos des partisans de l'intégration des Juifs au sein de la société marocaine. Le Prince héritier déclara avec autant de sincérité qu'il n'avait aucune possibilité de défendre convenablement les Juifs et ils risquaient ainsi de devenir un fardeau plus qu'un avantage pour son pays. Ceci étant, il ressentait envers eux beaucoup de sympathie, de bienveillance et d'estime. 
Le Prince héritier atténua quelque peu ses propos acérés en se référant à son père, qui avait une opinion différente sur la question juive de son pays. Celle-ci émanait, selon lui, de sources émotionnelles. Pour le roi Mohammed V, les Juifs étaient des « protégés » selon la tradition paternaliste ancestrale des sultans chérifiens. Ainsi, il ne pouvait voir dans leur départ qu'un acte déloyal, tel un père qui renie ses enfants. Par conséquent, son devoir paternel était de les défendre contre eux-mêmes, puisqu'il savait certainement mieux qu'eux, ce qui leur était profitable. Il ajouta en faisant d'Easterman son complice : « Il ne pense pas comme vous et moi. Nous sommes des occidentaux et lui, contrairement à nous, n'examine pas la question d'une manière cartésienne ». Les conceptions du roi sur sa communauté juive, telles qu'elles avaient été rapportées par son fils, sont conformes à celles professées le roi quatre années auparavant, en juillet 1956, à Jo Golan. Le Prince héritier avait tenu à rappeler une fois de plus l'argument des chefs des partis, prétendant que le départ des Juifs, en une période si cruciale, risquait de porter atteinte à l'économie du pays. En soulevant cet argument, le Prince voulait sûrement faire allusion à son intention de percevoir un dédommagement financier à cette atteinte. 
Contrairement à ses appréciations sur la communauté juive, le Prince héritier discerna les avantages dont il pouvait jouir en collaborant avec Israël. Comme beaucoup d'autres, il était persuadé que c'était le meilleur moyen d'accéder au cœur des États-Unis et des pays européens, dont il avait tant besoin pour le développement économique de son pays. Ce sujet devait être sûrement le but convoité de ses entretiens avec Easterman. Les positions du Prince, qui était en fait le Premier ministre de facto, concernant Israël étaient très significatives. Selon lui, les pays arabes du Moyen-Orient et du Maghreb étaient astreints de brandir l'unité arabe et musulmane qui les reliait. Son pays ne pouvait en aucun cas se permettre de renier ses frères arabes. Il affirma que s'il avait opté pour une politique déclarée, favorable à l'émigration juive, l'opposition n'aurait pas hésité à l'attaquer comme ami d'Israël et ferait ainsi de la monarchie un pouvoir suspect. Le Prince Hassan avait assez de tact pour s'abstenir d'évoquer l'argument affirmant que l'émigration juive vers Israël renforçait TSAHAL en lutte contre ses frères arabes. Par contre, il déclara sans ambiguïté à son interlocuteur : « L'état d'Israël est un fait accompli, une réalité. Personne ne peut nier son existence. En outre, ce pays est loin de nous et n'a pas de contact direct avec le Maroc. Néanmoins, les pays arabes du Moyen-Orient sont nos frères et nous ne pouvons pas les négliger. Je suis contraint d'œuvrer en conséquence. Si cela ne dépendait que du Maroc, j'aurai proposé l'adhésion de l'état d'Israël à la Ligue Arabe. Mais nos pays frères se sentent menacés et ils vivent dans un état d'animosité que nous ne pouvons pas mésestimer ». Cette proposition d'adhésion d'Israël à la Ligue Arabe n'a été publiée que dans les années soixante-dix, bien qu'elle fût connue aux politiciens israéliens. Ceux-ci, à cette époque, ne pouvaient imaginer à telle époque un acte destiné à intégrer un pays en voie de constitution dans un contexte géopolitique arabo-musulman, mais par contre, voyaient positivement, qu'Israël, pays asiatique, adhère à des organismes européens. Relativement aux leaders de son époque, le Prince Hassan manifesta à cette occasion une vision politique loin d'être conventionnelle. 
Néanmoins, ce qui préoccupait plus que tout Easterman, était l'émigration des Juifs. Le Prince ne manqua pas de souligner, une fois de plus, l'atteinte économique à son pays qu'engendrerait le départ des Juifs et garanti, comme prévu, que le sujet sera traité dans les prochaines rencontres avec les représentants d'Israël : « Laisser-moi le temps et accordez-moi les conditions appropriées et nous trouverons la voie nécessaire à la solution du problème, celle qui nous satisfera mutuellement ». Le Prince désigna Sam Benazeraf comme l'homme de liaison qui coordonnerait les prochaines rencontres. À cette occasion, il ajouta qu'en attendant, le CJM pouvait remettre à Benazeraf des requêtes spécifiques pour l'émigration de familles. Moulay Hassan assura qu'il était intéressé à poursuivre les débats sur les sujets déjà traités. En outre, ses propos laissent inévitablement deviner, qu'il souhaitait effectuer ses prochaines rencontres avec des représentants directs d'Israël. Le Prince demanda à son interlocuteur d'éviter des manifestations contre lui de la part d'organismes Juifs américains, lors de sa prochaine visite aux États-Unis comme chef de la délégation marocaine aux Nations Unies. 
Dans le rapport d'Easterman, envoyé trois semaines plus tard, il s'avéra que l'émissaire du CJM n'était point optimiste quant aux déclarations du Prince héritier. Il attribua ses propos au fait que, peu de temps auparavant, on avait constitué un nouveau gouvernement, présidé par le roi et son fils, qui tentait de se libérer de l'influence nassérienne et que ce gouvernement était très instable. Par contre, il admit qu'en comparaison avec les anciens chefs du gouvernement, Bekkay, Balafrej et Ibrahim, il fut convenablement reçu par le Prince. Curieusement, après cette rencontre, Easterman avait l'impression d'avoir accomplit une grande mission diplomatique juive : réfuter les médisances selon lesquelles le CJM soutenait le parti de Ben Barka et s'etait immiscé ainsi dans la politique interne du Maroc. Les relations postales entre le Maroc et Israël n'avaient été soulevées par Easterman que de manière implicite. 
Les instructions préliminaires reçues de S. Z. Shragay avant son départ au Maroc et surtout le fait qu'Easterman avait fourni son rapport au ministre Golda Meir et non à Nahum Goldman, prouve que, comme dans les cas précédents, Easterman œuvrait non seulement comme représentant du CJM mais aussi comme représentant du gouvernement israélien, en collaboration étroite avec le Mossad et l'Agence Juive. Le Prince héritier était conscient de cet état des choses lorsqu'il émit ironiquement en direction d'Easterman : « Vous prétendez que vous êtes prêts à m'aider, mais je suis assez lucide pour savoir que vous ne pouvez pas le faire. Vous ne pouvez m'aider que tant que je n'aurais pas besoin de vous. Mais lorsque je désirerai quelque chose de précis, vous ne pourrez pas me l'accorder. Voici un exemple : Si je sollicite un soutien dans mes relations avec la France, Israël répondrait « ça non ! », et vous ne pourrez rien faire ». Le Prince marocain connaissait parfaitement la nature des relations entre le CJM et le gouvernement israélien. C'est pour cela qu'il se comporta en fait avec Easterman comme avec un ambassadeur israélien. 
Shragay n'a pas délaissé la proposition temporaire du Prince héritier concernant l'émigration et décida au mois de septembre, de connivence avec Goldman et Easterman, de présenter au Prince une liste de dix familles juives sélectionnées pour demander leur émigration. En outre, grâce au succès de l'entretien, on décida de solliciter une rencontre avec le roi lui-même. Malgré la proposition de Moulay Hassan de désigner Benazeraf comme intermédiaire entre les Israéliens et le Palais, Shragay ne manqua pas d'exprimer son dédain aux dirigeants juifs marocains. Selon lui, « Étant donné qu'il n'y a pas au sein du judaïsme marocain des personnalités représentatives, et surtout étant donné que les autorités n'avaient pas d'estime pour Meyer Toledano, David Amar et Léon Benzaqen qui s'était écarté de la vie politique, on pourrait proposer au Prince que le médiateur entre le judaïsme marocain et les autorités marocaines soit assuré par André Jabès du CJM ». 

Le tournant décisif
Malgré les inquiétudes du Président de la communauté, David Amar, un tournant décisif s'effectua après l'entretien avec le Prince héritier. On remarqua un accroissement considérable du nombre de personnes à qui l'on délivra des passeports, l'atmosphère s'améliorera et l'on sentit un comportement plus indulgent de la part de la police et des gouverneurs de provinces. Les Israéliens avaient la sensation évidente que cette amélioration était due à de nouvelles directives, prises au gouvernement. Parallèlement à ce changement, Yaël Vered s'exprima de manière plus explicite sur la nouvelle politique à adopter. « C'est l'occasion propice d'examiner la possibilité d'accroître l'ampleur de l'émigration d'Afrique du Nord grâce à un accord financier efficace avec le Prince, semblable à l'accord opéré à l'époque pour l'évacuation des Juifs d'Irak. Un accord de ce genre n'aurait de valeur tangible que s'il permettait l'émigration de milliers de personnes. Il deviendrait effectif grâce à la création d'une compagnie de navigation commune, pour faire sortir les immigrants du port qui sera choisi par le Prince ou bien grâce à la création d'une compagnie de transports aériens. Cependant, si le Prince set favorable à un accord, il pourrait lui-même proposer une solution ». En raison de cette évolution, Vered conseilla de s'abstenir de manifester contre le régime marocain ou de prévoir des critiques dans la presse américaine qui risquaient d'envenimer l'attitude des autorités envers les Juifs. Ces propos témoignent, qu'à partir de ces entretiens, les relations israéliennes avec le Maroc avaient pris un tournant décisif. 
Vers la fin du mois de d'août, Sam Benazeraf s'entretint longuement avec Easterman pour lui annoncer les allégements dans les consignes et les directives pour l'octroi des passeports aux familles juives. Ces changements furent ressentis surtout à Casablanca, où le gouverneur, le colonel Mohammed Madbouh et son adjoint Charaf, octroyèrent librement des passeports à quiconque le demandait. De nouvelles directives furent adressées aux fonctionnaires du ministère de l'intérieur selon lesquelles il fallait fournir des réponses précises aux solliciteurs : S'il y a un obstacle quelconque à la demande, il faut le communiquer explicitement à la personne. S'il n'y a pas de raison valable pour s'y opposer, il faut accorder un passeport à toute personne qui le désire. Benazeraf estimait que le ministre de l'intérieur opérait incontestablement selon les directives du Prince héritier et qu'il serait invraisemblable qu'il ait décidé de le faire, dans un domaine si délicat, de sa propre initiative. Après ce rapport, Easterman s'exclama plein de satisfaction : « Si tout se confirme véridique, je pourrais présumer que ma rencontre avec Moulay Hassan a engendré un grand succès ». 
Le rapport d'Easterman au gouvernement israélien, ainsi que les conséquences de son entretien sur le terrain, concernant les passeports, n'eurent paradoxalement pas d'importantes répercussions sur le comportement des organismes israéliens. On aurait pu supposer qu'en lisant les propos de Moulay Hassan, on sentirait que la situation des Juifs du Maroc allait s'améliorer et qu'aucun danger apparent ne menaçait leur sécurité. Cette conclusion aurait pu aussi susciter un changement radical dans le réseau de la Misgeret et dans ses activités au Maroc. Malgré cela, les choses se déroulèrent autrement. Harel ne manifesta aucun signe de contentement concernant ces pourparlers, qui risquaient de mettre à l'écart tout l'éventail que le Mossad avait déployé au Maroc. Les chefs du Mossad ne manquèrent pas l'occasion d'émettre des soupçons sur les véritables intentions des autorités marocaines. Le même mois, ils traduisirent leurs intentions d'intensifier leurs activités et acquirent, en septembre 1960, le petit rafiot Pisces (Egoz) qui devait permettre d'augmenter le nombre de familles juives quittant le Maroc. La conception qui prévalait au gouvernement israélien, à l'Agence Juive et au Mossad était que le judaïsme marocain était toujours menacé d'un grand péril et qu'il fallait à tout prix les évacuer, non pas à l'aide de passeports individuels distribués sans entraves, mais par l'évacuation totale de la communauté. 
À ce stade, plusieurs organismes s'empressaient entre le Palais et l'opposition pour obtenir des améliorations dans le statut des Juifs du Maroc et dans le droit de sortie du pays. Parallèlement, ils s'efforcèrent d'éloigner le jeune pays du bloc des états panarabes. À ces contacts participèrent plusieurs médiateurs entre autres, Sam Benazeraf, Isaac Cohen Olivar, Marcel Franco et David Amar. « L'accord de compromis » entre le roi Hassan II et les chefs du Mossad d'août 1961, réglementant les départs collectifs, constitue un aveu flagrant de la part des dirigeants marocains que les Juifs n'avaient plus d'avenir dans un état défini dans ses diverses constitutions comme état musulman. Même la nouvelle constitution approuvée par referendum le 7 décembre 1962 définissait l'islam comme religion d'état bien qu'elle octroya à tous les citoyens une liberté de culte. Mais à cette datte, les dirigeants de la communauté avaient déjà compris que l'évacuation quasi totale des Juifs n'était qu'une question de temps. Même les personnalités marocaines les plus progressistes ne pouvaient promettre aux Juifs un Maroc laïque et démocratique qui leur assurerai un avenir sans ombrage. 
En juillet 1960, le ministère de l'intérieur marocain publia un recensement officiel de la population marocaine. La communauté comptait à cette époque 160.032 juifs faisant partie d'une population générale de 11 595 456 habitants. À Casablanca vivaient 71 175 Juifs sur une population générale de 965 000 habitants. Le pourcentage des Juifs dans la population générale ne dépassait pas 1,4 %. La moitié de la population juive avait moins de vingt ans et vivait principalement dans les villes. Jusqu'au 30 juin 1963, 60 017 Juifs émigrèrent du Maroc en Israël. Par conséquent, on estime le nombre de Juifs qui demeurèrent encore à cette date au Maroc à 110 000 personnes. En 1965, 55.000 Juifs vivaient encore au Maroc et en 1972 il ne subsistait de cette communauté pas plus de 30.000 Juifs. Au début de l'an 2003, on estime le nombre de Juifs vivant au Maroc à cinq mille personnes, vivant dans l'inquiétude des répercussions de la seconde Intifada. 
Depuis février 1963, une coopération directe entre Israël et le régime au Maroc commença à s'élaborer dans le domaine du renseignement, de la défense et des services secrets qui se développèrent vers la collaboration dans les domaines agricoles, économiques et commerciaux jusqu'à devenir une reconnaissance publique dans les années soixante-dix.

 

1.         La ville internationale de Tanger n’a modifié son statut juridique et n'a été annexée officiellement au Maroc que le 29 octobre 1958 et la peseta n'a été annulée dans l'ancien protectorat espagnol que le 1er janvier 1959.

2.         Dar-el-bida est le nom arabe officiel de Casablanca. Les noms géographiques dans cette thèse sont mentionnés généralement en arabe à moins que le nom français ne soit particulièrement répandu, comme celui de Casablanca, ou que le nom arabe soit relativement méconnu.

3.         Qadima est le nom de l'organisation sioniste au Maroc. Après un certain temps, ce nom a été identifié avec le département de l'immigration de l'Agence Juive. Souvent ce nom était associé au camp de transit pour immigrants, situé à 26 km d’elJadida, parce qu'il était géré par l'Agence Juive. Aux yeux des autorités marocaine ce nom représentait l'organisation sioniste au Maroc après l'indépendance.

4.         La Misgeret est le nom du réseau implanté par le Mossad au Maroc pour veiller tout d'abord de l'autodéfense juive et ensuite à l'émigration clandestine.

5.         Durant la dernière année du protectorat français, entre 3000 et 4000 Juifs par mois quittèrent le Maroc pour Israël. Témoignage de S. Y. [Shlomo Yehezqeli], E. Shoshani, Témoignages. Neuf années sur deux mille, Texte ronéotypé Ultra secret. [Tel Aviv, 1964]

6.         L’immigration en Israël, Annuaire statistique, 1975, Jérusalem, Vol. II, Tableau I p. 45.

7.         Témoignage de S. A. [Simha Aharoni], Shoshani, Témoignages. Neuf années sur deux mille, Texte ronéotypé Ultra secret. [Tel Aviv, 1964]. Aharoni état un fonctionnaire du département de l'immigration de l'Agence Juive à Paris. Il publia un rapport ronéotypé sous le titre : « Le judaïsme marocain – rapport, Ultra secret, 1961-1963 », Département de l'immigration de l'Agence Juive à Paris. Selon ce rapport, la diaspora juive du Maroc était concentrée principalement dans les villes de Casablanca, Fès, Marrakech, Meknes, Rabat, Tanger, Sefrou, Qénitra, Oujda, Tétouan, Midelt et Erfoud. Les noms de famille les plus répondu étaient : Azoulay, Bitton, Dahan, Perez et Oiknin. Les principales professions selon l'ordre de leur profusion étaient : commerçant, cordonnier, tailleur, secrétaire, comptable, orfèvre, fonctionnaire, peintre en bâtiments, électricien, rabbin, instituteur, infirmière, pharmacien, dentiste, opticien, ingénieur et peintre. Ces données ne concernent que les Juifs qui ont quitté le Maroc entre 1961 et 1963 et qui s’installèrent en Israël.

8.         Allal Alfassi a été exilé par la Résidence française au Gabon suite à son activité nationaliste. Après la Guerre, il vécut quelques années au Caire où ses idées panarabes s’étaient consolidées. Alfassi fait peut-être allusion aux publications concernant « la sélection » qui proscrivit l'émigration de Juifs malades ou âgés.

10.       Le journal El Alam, 29 août 1956, cité par M. Laskier, « L'état d'Israël et les Juifs du Maroc dans le complexe politique marocain », Mikhaël, volume 14, p. 240. Alfassi fait allusion aux passeports collectifs qui étaient en vigueur lors de l'évacuation du camp de transit Qadima durant l'été 1956. Cette catégorie de passeports a été réutilisée au cours de l’opérationYakhin.

12.       H. Lherman, « L'Al Wifaq chez les Juifs marocains, entente cordiale ou collaboration », L’Arche, n° 20 et 21, août et septembre 1958.

13.       Rapport d'Alexandre Easterman de son voyage au Maroc effectué du 27 juin au 4 juillet 1957, Archives Sionistes Centrales, Jérusalem. Z6/1763. Le représentant du Mossad n'est pas identifié, mais il est possible que ce soit Hagay Lev du QG de laMisgeret à Paris. Rapport de Haïm Yahil, secrétaire général adjoint du Ministère des Affaires Étrangères, entretien avec Marcel Stein après son retour du Maroc, ANI AE, (Archives Nationales d’Israël, ministère des Affaires Étrangères, Jérusalem) 4317/10/2.

15.       V. Malka rapporte un recensement effectué en 1960 selon lequel 230 000 Juifs vivaient au Maroc, par rapport à 230 000 Juifs qui y vivaient dix ans auparavant. « La situation des communautés juives en Tunisie et au Maroc. L’exemple marocain ».L’Arche n°62, mars 1962.

16.      Rapport de A. Easterman de son discours à la 4e assemblée plénière du département politique du CJM à Stockholm, août 1959 dans M. Laskier, « L'émigration des Juifs du Maroc, la politique gouvernementale et l’attitude des organisations juives mondiales de 1949 à 1956 ». Shorashim baMizrah, vol. II, p. 354.

17.       M. Gazit, ambassade d'Israël à Washington à Y. Maroz, ministère des affaires étrangères à Jérusalem, 22 février 1961 ANI AE, 941/8.

18.       Quant aux arguments spécifiques du roi Hassan II de concéder aux Juifs le droit au départ organisé voir le chapitre V « Les pourparlers avec les représentants du Palais ».

19.       Shoshani, Neuf années, p. 131.

20.       Le Suédois Marcel Stein prétendit que les fonctionnaires du Joint au Maroc avaient tendance à s'effacer avec beaucoup d’appréhension devant les autorités. Rapport de Hayim Yahil sur ses entretiens avec Marcel Stein, 8 novembre 1957, ANI AE, 4317/10/2.

21.       Rapport de Wolfgang Bertholz de Berne, 22 juin 1958, ANI AE, 4317/10/2.

22.       Y. Tsur à M. Gazit, 1er mai 1959, ANI AE, 4324/5/2.

23.       M. Gazit à M. Shneurson, 13 juillet 1959. M. Gazit aux délégations d'Israël à Londres, New York et Washington, 19 juillet 1959, ANI AE, 4310/4/1. Y. Tsur au ministre des Affaires Étrangères Moshé Sharett, 10 juillet 1956, ANI AE, 3113/9. Dans cette lettre, on parle d'un avocat nommé Paul Weil.

24.       M. Gazit à Avner Eden à l'ambassade d'Israël à Londres, 10 août 1959. M. Gazit à L. Castel, 1er juillet 1959, ANI AE, 4310/4/1. George Botbol était de nationalité française.

25.       M. Gazit a M. Shneurson, 2 août 1959, ANI AE, 4318/3/1.

26.       À cette réunion participèrent S. Z. Shragay, Yaaqov Tsur, Yaaqov Herzog, ambassadeur d'Israël à Ottawa, Barukh Duvdevani, Yehuda Dominitz et Naftali Bar Giora, tous les trois de l'Agence Juive ainsi que David Aviram et Arié Levontin du Mossad et M. Gazit du ministère. Protocole de réunion au sujet du Maroc, effectuée à l'Agence Juive, 6 janvier 1960, ANI AE, 4318/3/1.

27.       Ibidem.

28.       Protocole de réunion, 2 février 1960, présidé par Isser Harel, Yaaqov Tsur et S. Z. Shragay et avec la participation de David Aviram, Arié Levontin, M. Gazit, Y. Rupnik, B. Duvdevani et M. Riveline, directeur général de l'Agence Juive, ANI AE4319/4/1.

29.       Lettres envoyées par poste diplomatique de S. Z. Shragay à A. L. Easterman, 22 juillet 1960 ASC, Z6/1757.

30.       Éphraïm (Rosen) Ronel remplaça Shlomo Havilio en février 1960 comme responsable de la Misgeret à Paris. Les relations entre Harel et Havilio se détériorèrent à cause de la conduite jugée trop indépendante de Havilio. Quand celui-ci termina son mandat, les relations entre Ronel et l'ambassade d’Israël à Paris devinrent plus amicales. Ronel quitta Paris en avril 1964. Témoignage d’Éphraïm Ronel, Ramat-Hen, hiver 1997 et 6 septembre 1999.

31.       Le nom d'André Weil a déjà été mentionné, avec des réticences, comme médiateur potentiel depuis le 17 juillet 1959. M. Gazit aux représentants d'Israël à Londres, New York et Washington, 19 juillet 1959, ANI AE, 4310/4/1.

32.       Deux lettres manuscrites « pour des raisons de conspiration » de Yaël Vered, 27 juillet et 29 juillet 1960, ANI AE, 4319/5. Vered souligna qu'elle n'avait pas fait imprimer ses lettres par sa secrétaire afin de garder le secret total.

33.       M. Shneurson à Y. Tsur, 4 décembre 1959, ANI AE, 4310/4/1.

34.       M. Gazit à M. Shneurson, 2 août 1959, ANI AE, 4318/3/1.

35.       Ibidem.

36.       M. Lasker : « Les Juifs dans le Maroc indépendant : la politique des autorités et le rôle des organismes juifs mondiaux (1956 - 1976) », Shorashim baMizrah, voir aussi son article « L'état d'Israël et les Juifs du Maroc dans l'engrenage de la politique marocaine », Mikhaël, n° 14, et aussi Y. Tsur, « Le Prince, le diplomate et l'accord », Haarets, 18 novembre 1994. Tsur présume que la rencontre s'était effectuée au domicile de Sam Benazeraf à Rabat mais il s'avère que celui-ci habitait à Casablanca en voisinage avec le ministre Abdelqader Benjelloun. Il est possible qu'il fasse allusion au domicile de son oncle Raphaël Benazeraf, qui effectivement habitait Rabat, mais ce lieu reste encore moins probable. Jo Golan quant à lui reste sceptique quant à l’évidence même de cet entretien entre Easterman et le Prince Héritier. Témoignage de Jo Golan, janvier 1999, Jérusalem.

37.       Dans le rapport d’Easterman en anglais, le terme « force grégaire » est en français dans le texte.

38.       Cet argument est curieusement semblable à celui, soulevé une année auparavant, par le chef du Mossad, Isser Harel lors d’une réunion présidée par Golda Meir. Voir le rapport de la réunion à Jérusalem, 9 novembre 1959, avec la participation de N. Goldman, S. Z. Shragay, I. Harel, M. Fisher, B. Duvdevani, M. Riveline, Y. Dominitz (tous les trois de l'Agence Juive), Shlomo [Havilio] et à A. Levontin du Mossad. ASC, Z6/1474.

39.       C. Enderlin, Paix ou guerre : les secrets des négociations israélo-arabes de 1917-1990, pp. 190-196. Jo Golan, La longue marche, manuscrit rédigé à l'époque des faits.

40.       Au début des années soixante-dix, le roi Hassan II révéla au grand jour sa politique constante envers Israël qui mena d’une coopération secrète et étroite avec l’état hébreu au rôle de médiateur entre Israël et le président égyptien Sadate, qui aboutit à sa visite historique à Jérusalem. Le roi Hassan II rencontra plus tard plusieurs hommes d'état israéliens entre autres Yitshaq Rabin, Moshé Dayan et Shimon Peres.

41.       En promettant que le sujet économique serait au centre des entretiens prochains avec les interlocuteurs israéliens, le Prince Moulay Hassan laissa entendre, qu'il était prêt à envisager une aide financière que le Maroc devrait percevoir, comme compensation à ses dommages économiques.

42.       A. Easterman à G. Meir, 6 septembre 1960, ANI AE, 4318/4/1. Une copie de ce rapport se trouve aussi dans ASC, Z6/1757

43.       S. Z. Shragay au ministère des Affaires Étrangères à Jérusalem, 1er septembre 1960, ANI AE, 4324/5/2.

44.       Cette comparaison entre l'accord avec les autorités irakiennes au sujet de la sortie collective des Juifs, a été débattue déjà lors de la réunion à Tel-Aviv, le 2 février 1960, avec la participation du Mossad de l'Agence Juive et du Ministère des Affaires Étrangères. Il s’agit de l’accord réalisé avec le fils du Premier Ministre Nouri Saïd. Voir, ANI AE, 4319/4/1.

45.       Y. Vered à Y. Maroz, 14 septembre 1960, ANI AE, 941/6.

46.       A. Easterman à N. Goldman, 19 septembre 1960, ASC, Z6/1757. Y. Vered à Y. Maroz, 14 septembre 1960, ANI AE, 941/6.

47.       Diverses coupures de journaux non datées, archives personnelles, Elias Benouaïch. Voir aussi les rapports dans La voix des communautés, numéro 1, février 1961 qui signale un chiffre un peu différent de la population juive : 158.806 ames. Bulletin 60 [de la Misgeret], 13 février 1963 ANI AE, 3155/1.

48.       Témoignage de S. A. [Simha Aharoni], E. Shoshani, Témoignage, Neuf années sur deux mille, Texte ronéotypé Ultra secret. [Tel Aviv, 1964]

49.       Ces chiffres sont des estimations de l'Agence Juive, E. Shoshani, Neuf années sur deux mille, texte ronéotypé Ultra secret, p. 203. 


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